mercredi 18 juin 2008

Darcosophisme



Darcos est vraiment incapable d'argumenter. C'est à désespérer des vertus de notre méthodologie de la dissertation.

On sort de la censure le rapport de deux Inspecteurs qui montrerait - ô surprise - que l'assouplissement de la Carte scolaire ne fait qu'accentuer la ghettoïsation.


«C’est une double ânerie», a-t-il tranché. Premièrement, «parce qu’on ne me persuadera jamais, même pas mes inspecteurs généraux, que c’est une liberté plus grande que d’être assigné à résidence dans un établissement, au lieu de choisir l’établissement qu’on veut».


Mais la question ne portait pas sur la liberté, mais sur l'égalité (en l'occurrence l'égalité des chances que même les Libéraux prétendent défendre).

En changeant le sujet, ou en glissant intentionnellement vers le Hors-Sujet, il démontre plutôt le sérieux du rapport qu'il prétend critiquer.

Deuxièmement, «ce rapport ne tient pas compte d’un phénomène central: lorsque des établissements ont commencé à perdre des élèves, nous avons décidé de leur maintenir les moyens.»


Pour combien de temps ???

Et une fois de plus en quoi cela répond-il à la question de la ghettoïsation sociale ? Les lycées pourris perdront leurs seuls et rares bons élèves qui pouvaient remonter le niveau, mais garderont autant d'argent, la belle affaire ! Pour une fois, je suis d'accord : ce n'est pas une question de moyens.

Les commentateurs me diront que la carte rigide maintient déjà une ghettoïsation, ce qui est vrai. Mais l'assouplissement ne fait qu'aggraver cela au lieu d'y répondre. La réponse est d'incendier un grand brulé au lieu de le soigner. Le sarkozysme consiste à chercher les ambulances à bruler.

C'est un peu comme l'argument de Badinguet sur les effectifs dans l'Education : On a augmenté les effectifs (ce qui est vrai) et la qualité a quand même baissé (ce qui est vrai), donc on peut supprimer des effectifs et des horaires pour avoir de meilleurs résultats.

Je n'ai pas d'opinion sur le contenu des programmes du primaire (s'ils déplaisent à Meirieu, ils doivent être bons) mais j'ai du mal à croire que les 2 heures en moins avec une heure de sport en plus par semaine vont améliorer la qualité (donc un total d'une centaine d'heures de cours en moins par an alors que les enfants français ont déjà des vacances trop longues).

Ce gouvernement ne veut pas lutter contre l'illettrisme ou les inégalités, il veut attiser, intensifier, empirer l'ignorance et l'injustice pour pouvoir mieux anéantir ce qui reste de notre République.

Il faut vraiment que j'arrête de parler de politique nationale, je suis incapable de faire de l'humour ou de prendre de la distance sur ce désastre programmé où Badinguet est constamment un pompier pyromane.

  • Add. Comme le Monde ne garde pas d'archives gratuites, voilà l'extrait :

    Pour MM. Obin et Peyroux, le principal effet de l'assouplissement de la carte scolaire a été de dégrader davantage la mixité scolaire, "accélérant les processus sociaux déjà à l'oeuvre depuis des années". Les établissements déjà délaissés sont les plus touchés par cette érosion. Même si seulement 13 500 demandes supplémentaires de dérogation ont été enregistrées, les effets sont sensibles.

    "Dans la plupart des départements visités, la question de la survie de certains collèges est ouvertement posée, indique le rapport. C'est aux deux extrémités de la hiérarchie des établissements que la mixité sociale est mise le plus rudement à l'épreuve : dans les établissements les plus convoités, il y a peu d'élèves de condition modeste ; dans les collèges les plus évités, ce sont les catégories favorisées qui ont disparu."

    La création d'options ou de filières d'excellence dans les quartiers sensibles, ou les labels ZEP et "ambition réussite", n'y changent rien : "Non pas qu'il faille se contenter d'une offre médiocre dans ces collèges (...), mais jamais ces initiatives ne permettent de faire revenir les populations des classes moyennes qui ont déserté un établissement."

    "L'objectif d'amélioration de la diversité sociale n'a en général pas été l'objet d'une attention prioritaire", regrettent les inspecteurs généraux, et c'est toujours la logique des bonnes notes des élèves qui prime, et relègue en bons derniers les critères sociaux dans le traitement des dossiers. D'où l'impératif, selon eux, de consignes claires en la matière aux responsables académiques et aux chefs d'établissement.

    Favorables à un système qui ne serait pas totalement dérégulé, Jean-Pierre Obin et Christian Peyroux affichent également leur attachement au maintien par les familles d'un "droit d'affectation dans l'établissement le plus proche du domicile" et à une régulation toujours "assurée par l'Etat" plutôt que par les chefs d'établissement ou les parents eux-mêmes. Ces pistes trouveraient un écho plutôt favorable au ministère de l'éducation nationale.

    Pour motiver les collèges et lycées à rester dans une dynamique de mixité, ils suggèrent en outre l'introduction d'un "indicateur" de suivi de la mixité sociale, qui permettrait de récompenser les établissements les plus vertueux par une "dotation supplémentaire". La fermeture des établissements "ghettos", "si le quartier est dangereux et le collège déjà bien vide", à l'image de certains établissements déjà identifiés sur le pourtour méditerranéen ainsi qu'à Lyon ou à Grenoble, pourrait être par ailleurs une solution "positive".

    Ainsi, face aux "inquiétudes manifestes" que suscite la suppression de la carte scolaire, il reste encore au gouvernement à offrir des réponses, estiment les rapporteurs. Et à ne pas perdre de vue un objectif : que "l'émulation entre établissements qui se profile à l'horizon de 2010 débouche sur une amélioration d'ensemble en termes de réussite scolaire, et non sur une concurrence stérile et coûteuse".

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